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L'Edito de la semaine

avr. 20, 2022

Empruntez dés maintenant, en "osant" le taux révisable


Edito e-Marchés du 19 avril 2022,
par Dominique Loinard, Consultant-Expert Orféor

Au terme de sa réunion de politique monétaire du 14 avril, la Banque centrale européenne n’a pas annoncé de changement de sa politique et a rappelé ses dernières positions: 

  • Baisse progressive des rachats d’actifs à 40 Mds€ en avril 2022, 30 Mds€ en mai 2022 et 20 Mds€ en juin 2022.
  • Pas de hausse des taux directeurs avant la fin des rachats d’actifs.

Par rapport à la réunion de mars, seule une petite phrase a évolué : "le Conseil des gouverneurs a estimé que les informations disponibles depuis sa dernière réunion renforcent son anticipation selon laquelle les achats nets d’actifs au titre de l’APP devraient prendre fin au troisième trimestre". Les rachats d’actifs s’arrêteront donc au cours du troisième trimestre et la hausse des taux directeurs est donc attendue pour le quatrième trimestre 2022. Week-end pascal oblige, les marchés ont eu quelques jours pour absorber l’information : le Vendredi Saint et le Lundi de Pâques sont des jours fériés. Néanmoins, en ce mardi 19 avril, le swap 10 ans contre Euribor 6 mois tend vers 1,64%, contre 1,51% au fixing du jeudi 14 avril 2022.

Les Euribor sont en hausse depuis le début de l’année, mais avec de nettes disparités entre les indices : 

  • Les banques anticipent déjà une voire deux hausses de taux directeurs de la part de la BCE, avec des Euribor 6 et 12 mois qui ont accéléré leur progression sur les derniers mois. L’Euribor 12 mois est repassé en territoire positif jeudi dernier, à 0,003%, un niveau que nous n’avions plus depuis 2016. Pour mémoire, l’Euribor 12 mois fixait à -0,498% fin décembre 2021).
  • Sur les maturités plus courtes (inférieures à 3 mois), les variations restent bien moins marquées. Si les valeurs sont également orientées à la hausse, cette dernière demeure modérée. L’Euribor 3 mois fixait ainsi à -0,452% jeudi 14 avril, contre -0,573% fin 2021. L’Euribor 1 mois n’a pris que 4 pbs depuis le début de l’année (-0,547% contre -0,585% le 30/12/2021).


Deux questions doivent se poser pour ceux qui ont un programme d’emprunt à boucler : faut-il signer des contrats maintenant, et si oui à quelles conditions ?

Certains propos ambiants recommandent d’attendre que toutes les élections soient passées pour emprunter. Si la présidence française de l’Union européenne jusqu’au 30/06/2022 donne un poids - certain - à la voix de la France en Europe, la Zone Euro rassemble 19 pays, et la BCE est indépendante. Les élections françaises ont une influence limitée sur l’évolution des taux d’intérêt interbancaires européens, et, a priori, aucune sur les décisions de politique monétaire. Suivre cette stratégie revient à se positionner sur un certain attentisme quant à l’évolution des taux longs, qui, de notre point de vue, ont peu de chance de baisser dans un horizon proche. Pour nous, les budgets étant désormais votés ou en passe de l’être, il semble primordial de garantir sa liquidité et son taux par un recours à l’emprunt dès maintenant. Rappelons que signer un emprunt ne signifié pas nécessairement le mobiliser et le report en reste à réaliser assure le résultat d’investissement. Il faut donc favoriser, en cas d’incertitude sur le montant nécessaire au titre de l’exercice 2022, soit des possibilités de dédit - malheureusement aujourd’hui quasiment disparues, soit des phases de déblocage (mobilisation ou versement) pluriannuelles, permettant de couvrir le besoin de l’exercice, mais aussi un éventuel décalage des travaux.


A quelles conditions ?

Les crises de 2008 (subprimes) et 2010 (dette européenne) ont plus de 10 ans, décennie au cours de laquelle les banques centrales ont déversé de la liquidité sur les économies. Il aura fallu une pandémie pour que cette avalanche de liquidités provoque les effets attendus d’une telle politique : une inflation massive, avec un risque accru de récession. Le retournement de la courbe des taux aux Etats-Unis semble en être le prélude. Le passage en territoire négatif des taux court terme dans un premier temps (2014 pour l’Eonia) puis long terme dans un second temps, aura permis pendant ces sept dernières années, de bénéficier de conditions de financement exceptionnelles, notamment à taux fixe. Les années 2018 à 2020 auront vu disparaître, chez certains établissements, les offres à taux indexé, souvent parce que la marge sur Euribor flooré à 0,00% était supérieure au taux fixe proposé par ailleurs. Les collectivités ont majoritairement sécurisé leur encours ces dernières années : 

  • Sur les nouveaux financements, grâce au bon niveau des taux fixes
  • Sur l’encours historique, par des opérations d’arbitrage contractuel ou de recours aux instruments de couverture (swap).


Sur le plan réglementaire, les obligations prudentielles se sont multipliées pour les établissements prêteurs : 

  • Règles de solvabilité (Bâle II et III), avec des valeurs planchers pour la mobilisation des fonds propres
  • Mise en œuvre des règlements EMIR et MIFID II
  • Obligations de provisions sur les réaménagements

De fait, les banques ont connu une "inflation" réglementaire, sans doute méritée après les dérives de 2008, mais qui a également eu des répercussions quant aux offres proposées. Finies les enveloppes revolving sur la période d’amortissement, à l’exception des contrats de CACIB, mais qui impliquent de retirer les fonds en fin d’année. Disparues la plupart des enveloppes multi-index/multi-tirages, avec des propositions qui figent bien souvent le taux de la consolidation dès la signature du contrat. Et ces évolutions ont arrangé les emprunteurs, qui étaient demandeurs d’offres simples…



Le marché actuel demande plus de souplesse dans les contrats.

Il faut maintenant rédiger des cahiers des charges exigeant des offres à taux indexé, arbitrables à taux fixe, le plus souvent possible sur la base de taux de marché… Or la plupart des collectivités, bien mal habituées au terme de ces 5 ans de taux fixes bas, continuent à ne jurer que par le taux fixe, ce qui élimine rapidement plusieurs prêteurs compte tenu de la limité du taux d’usure (voir nos précédents éditoriaux). Ainsi, sur une consultation récente, malgré un taux de couverture apparent de 500%, le taux "effectif" répondant à l’ensemble des critères du cahier des charges (taux fixe avec déblocage des fonds jusqu’au 31/12/2022, amortissement sur 15 ou 20 ans) descendait à 166% (pour un volume [BA] certes supérieur à 10 Ms€). Cependant, avec des encours très sécurisés, s’orienter vers des taux révisables bien qu’en hausse – permettrait de gérer de façon dissociée le risque de taux, soit au moyen de ces possibilités d’arbitrage contractuelles précédemment évoquées, soit par un recours à des instruments de couverture (swap, cap), ce qui suppose notamment une délibération de gestion active un peu développée. 


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