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Impact de la hausse des taux d'intérêt sur les collectivités : Repenser la gestion de la dette

Sahar MANSOUR • 7 juillet 2023

Impact de la hausse des taux d'intérêt sur les collectivités : repenser la gestion de la dette


Depuis un an, la hausse des taux d'intérêt est importante. Cette hausse se caractérise par une augmentation de la charge de la dette, puisque les emprunteurs devront payer des intérêts plus élevés sur leur prêts en cours, si ces derniers ont été contractés à taux variable. Les collectivités se posent alors des questions quant à la hausse de la charge de la dette qui devrait avoisiner les 52 milliards d'euros en 2023 et s'interrogent sur leur stratégie de gestion de la dette pour ne pas être durablement pénalisées.


Pourquoi la BCE augmente-t-elle ses taux ?


En raison de l’inflation qui sévit en Europe depuis plusieurs mois, la BCE augmente ses taux d’intérêts pour maintenir la stabilité des prix. En effet, au cours de ces derniers mois, la Banque Centrale Européenne a augmenté ses taux plusieurs fois, pour contrecarrer les prix qui ont fortement augmenté ces derniers mois (alimentation, logement, énergie). Les causes de la hausse des prix sont liées à la guerre en Ukraine mais aussi à la crise sanitaire et au grippage des chaînes logistiques mondiales. Selon les statuts de l’institution, le taux d’inflation devrait être maintenu à 2% par an. Cependant, dans la zone euro, les prix ont augmenté plus que ce qui était prévu : 25% pour l’énergie et 16% pour l’alimentation. 


Le taux de refinancement de la BCE est alors passé de 0% à 4% de juillet 2022 à juin 2023. 


Pour rappel, le taux de refinancement correspond au taux principal que la BCE utilise pour prêter aux banques commerciales qui ont besoin de liquidité dans la semaine. Si ce taux est élevé, il y aura un impact direct sur les taux d’intérêts des banques qui vont à leur tour procéder à une augmentation auprès de leurs clients (pour les prêts immobiliers par exemple). 


Le Conseil des gouverneurs de la BCE a annoncé, le 16 mars 2023, une septième hausse des taux avec une hausse de 0.5 point. L’objectif de la BCE avec cette augmentation est de permettre un retour du taux d’inflation à sa cible statutaire de 2% d’ici à fin 2025. 


Coût moyen de la dette en hausse : les collectivités repensent leur stratégie de gestion de la dette 


Les collectivités locales étaient déjà bien protégées contre l’augmentation des taux d’intérêts avec une part importante de leur dette à taux fixe (qui représentait 75% des encours en 2022) avant que les taux ne montent. Cette partie de leur dette à taux fixe permet de stabiliser le coût moyen de leur dette et leur offre alors une meilleure performance et visibilité des frais financiers

En effet, de 2016 à 2022, les taux fixes ont été relativement bas, ce qui a permis d'amortir la hausse des taux variables.


Evolution de la part à taux variables


L’évolution du coût de la dette à taux dépend des indices retenus et des marges associées. En 2022, le coût de la dette à taux variable était d’environ 1% avec une marge de 0.8%. En 2023, l’impact de la hausse de taux n’est pas encore définitive puisque certains montants de 2022 sont toujours en vigueur en 2023. Une fois fixé, considérant la même marge de 0.8%, le coût de la dette à taux variable a triplé sur 15% de l'encours global par rapport à 2022 et avoisine les 3.5%.


Comment les collectivités adaptent-t-elles la gestion de leur dette en constante évolution pour la rendre plus flexible ?


Face à la hausse des taux, les collectivités repensent leur stratégie de gestion de la dette. Au cours des dernières années, il y a eu des changements dans la manière dont l’encours de dette des collectivités est indexé, avec une préférence pour les taux fixes. Cette évolution est liée à la compétitivité des taux de marché


La recherche de nouveaux financements : garantir la liquidité


Les collectivités peuvent lancer des consultations des nouveaux financements pour financer leurs investissements. Ce peut être l'occasion d'introduire plus de taux variable dans leur encours. L'objectif de cette stratégie est de profiter de la concurrence entre les banques et d'optimiser les conditions financières. En diversifiant leurs sources de financement, elles peuvent espérer obtenir des taux plus avantageux et potentiellement réduire ou limiter leurs coûts d'emprunt.


En introduisant plus de taux variables dans leur encours de dette, les collectivités intègrent une plus grande souplesse de gestion de leur encours de dette. En effet, à taux fixe, les contrats sont le plus souvent assortis de pénalités de remboursement anticipé qui dissuadent de toute renégociation. Cela signifie qu’elles peuvent contracter des prêts à taux fixe, à taux variable, voire à taux structuré.

Les prêts à taux variable sont liés à un indice de référence, comme les Euribor (1, 3, 6 ou 12 mois) ou le Livret A, qui peuvent fluctuer au fil du temps.


En incluant des prêts à taux variable dans leur portefeuille de dettes, les collectivités peuvent profiter des variations des taux d'intérêt. Si les taux d'intérêt baissent, les collectivités peuvent bénéficier d'une diminution du coût de la dette. Surtout, les conditions de sortie des emprunts à taux indexé restent souvent plus favorables qu'à taux fixe, permettant d'envisager une renégociation des marges.


Il est cependant important de noter que l’utilisation de prêts à taux variable comporte également des risques : Si les taux d'intérêt augmentent, les coûts d'emprunt des collectivités peuvent également augmenter, ce qui peut entraîner une augmentation des charges d'intérêts. Par conséquent, les collectivités doivent évaluer attentivement leur capacité à gérer les fluctuations des taux d'intérêt avant d'opter pour une stratégie de diversification de leurs sources de financement, et se fixer des taux objectifs absorbables.


Dans la période actuelle, il importe d'abord de gérer son risque de liquidité et de dissocier le risque de taux, qui peut être géré contractuellement (arbitrages et passages à taux fixe) ou via des contrats externes (swaps de taux,...).


Le swap de taux d’intérêt 


Un swap de taux d’intérêt peut être utilisé pour convertir une partie de la dette à taux variable en une dette à taux fixe, ou inversement. Cela permet aux collectivités d’ajuster la structure de leur dette en fonction de leurs besoins et des conditions du marché, offrant ainsi une plus grande flexibilité dans la gestion des charges financières et des risques associés aux taux d’intérêt. Les collectivités qui ont une proportion significative de leur dette à taux fixe pourraient alors considérer le swap de taux d’intérêt comme une opportunité attrayante. Cela leur offre également la possibilité de bénéficier d’une potentielle baisse des taux d’intérêt à l’avenir.


Les conditions requises pour procéder au swap sont les suivantes :


  • Disposer d'une délibération autorisant l'exécutif à réaliser ce type d'opération
  • Pour susciter de l'intérêt, il est préférable que le montant soit supérieur à 10 M€, bien qu'un montant minimum de 1 M€ soit également accepté
  • Mise en concurrence d'au moins deux banques de contreparties
  • Documentation réglementaire conséquente (EMIR¹, KYC²,...), parfois en anglais
  • Disposer d'un LEI³ auprès de l'INSEE


Les swaps de taux ne conviennent pas à toutes les collectivités, car elles doivent satisfaire aux critères préalablement énoncés. En outre, les swaps sont injustement associés à une réputation de produits toxiques.


L’utilisation de swaps de taux d’intérêts est usuelle sur les marchés, notamment par les banques, mais ils présentent encore une image de risque pour les collectivités.


Par conséquent les collectivités doivent évaluer soigneusement les avantages et les risques de cette stratégie et consulter des experts financiers avant de décider d’utiliser des swaps de taux d’intérêt dans leur gestion de la dette. De plus, il est préférable de disposer d'un personnel dédié à la gestion de la dette en interne.


Les swaps présentent les avantages suivants :


  1. Aucune contrainte de timing ou de préavis lorsqu'il s'agit de gérer son risque de taux, chacun est libre de le faire à sa guise. Les seules contraintes à prendre en compte sont internes.
  2. Une relation équilibrée avec les banques, notamment en cas de sortie anticipée : la soulte, à payer ou à percevoir, est strictement égale à la différence entre le taux payé et le taux reçu sur le swap, alors que, sur un emprunt, elle est égale à la différence entre le taux de l'emprunt et une référence de marché hors marge.
  3. La possibilité "d'empiler" les swaps



EMIR¹ : Réglement européen sur les marchés de dérivés. Protection des acteurs non professionnels (particuliers, entreprises non financères, collectivités,etc)

KYC² : Know your customer : lutte contre le blanchiment d'argent et le terrorisme - loi SAPIN II

LEI³ : Legal Entity Identifier : n° d'immatriculation unique sur les marchés financiers










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