L’expression « cygne noir » existe depuis l’antiquité. A cette époque, la connaissance de ces animaux n’était pas avérée et l’expression signifiait l’impossibilité de l’existence d’une chose. Aujourd’hui, et notamment depuis la réinterprétation financière par le statisticien Nassim Nicholas Taleb au début du XXIe siècle, un « cygne noir » désigne un événement imprévisible et rare, et qui, en cas de réalisation, a des conséquences d’une portée considérable.
Par nature, il apparaît toujours là où on ne l’attend pas. Alors quand plusieurs volatiles font planer en même temps leur ombre sur l’économie mondiale et les marchés financiers, c’est la panique assurée.
A la crise sans précédent initiée par l’épidémie du Coronavirus (ou Covid-19), une guerre des prix du pétrole est venue se greffer, amplifiant la correction des bourses. C’est le 12 mars 2020, suite à l’intervention jugée décevante de la Banque centrale européenne (BCE) et la décision de Donald Trump d’interdire l’accès des Etats-Unis aux Européens, que l’agitation a battu son plein, provoquant un nouveau « Jeudi noir » (en référence au krach de 1929) sur les marchés. Les bourses européennes n’avaient jamais connu une telle débâcle, enregistrant des pertes historiques de plus de 12%, alors que Wall Street n’avait pas vécu pire séance depuis 1987.
Depuis, les principales Banques centrales ont décidé d’agir à l’unisson en lançant une action concertée visant à augmenter l’approvisionnement des marchés financiers en liquidités. La FED, la BCE et les Banques centrales du Japon, du Royaume-Uni, du Canada et de Suisse, ont assoupli les conditions auxquelles elles s’échangent des devises entre elles, afin de pouvoir garantir un approvisionnement suffisant des marchés en dollars. De plus, la FED a ramené la fourchette de ses taux directeurs entre 0% et 0,25%, et a par ailleurs annoncé l’achat de 500 milliards de dollars de bons du Trésor et de 200 milliards de dollars de titres hypothécaires. La Banque du Japon a également assoupli sa politique lors d’une réunion d’urgence, accélérant les achats de Fonds négociés en bourse (FNB, ou Exchange Traded Fund – ETF) et d’autres actifs risqués.
La réactivité des Banques centrales et la rapidité avec laquelle des mesures ont pu être prises rassurent, et prouvent que les institutions politiques et financières semblent mieux préparées qu’en 2008. L’ « hélicoptère monétaire » est lancé : appuyés par les Banques centrales, les gouvernements vont injecter plus que jamais de l’argent dans l’économie.
Cependant, ces mesures sans précédents n’ont pas – encore – obtenu les effets estompés. Les bourses européennes ont continué leur dégringolade ce lundi 16 mars (- 10% en milieu de journée). La peur reste le cœur du problème, et les investisseurs ne savent pas si un assouplissement monétaire pourra résoudre une crise essentiellement sanitaire, avec des Banques centrales qui ont l’air d’agir dans la panique et la précipitation. Le risque d’une récession mondiale en 2020 s’accentue. Alors que l’Europe et les Etats-Unis s’orientent vers des mesures de confinement drastiques, la question de fermer les places boursières commence à se poser.
En effet, les entreprises et les investisseurs n’ont aucune visibilité sur la durée de la crise et ses répercussions économiques.
A ce jour, il est impossible de déterminer la valeur des actifs et dans ce cas, laisser le marché s’ajuster pour trouver un prix d’équilibre a-t-il du sens ?… D’autant plus qu’une baisse des marchés actions ferait peser un risque sur la solvabilité des entreprises et leur capacité de financement future. En revanche, une fermeture des marchés aurait pour contre coup une mise en difficulté de certains acteurs financiers qui ne pourraient honorer leurs engagements. Fermer les marchés est une décision qui ne peut être prise que par un régulateur (au niveau européen nous concernant) compte tenu des interconnections entre ces marchés.
Pour des collectivités qui auraient des besoins de recours dans l’urgence à de la liquidité, il serait sûrement plus prudent de souscrire des lignes de trésorerie plutôt que des emprunts moyens ou long terme.