A l’instar des banques et des assureurs qui utilisent des outils de scoring pour décider s’ils acceptent de prêter de l’argent ou de couvrir un risque, les grandes collectivités commencent elles aussi, à vérifier la santé financière de leurs satellites et partenaires. Objectifs : sécuriser leurs relations financières et juridiques, mais aussi dégager des marges de manœuvre.
« Nous faisons du scoring, non pas pour donner une note mais pour disposer d’un ensemble d’indicateurs afin de réagir plus efficacement face à une situation défaillante. La méthode vise à cibler le plus en amont possible les partenaires potentiellement à risques », explique Marianne Lacaze-Dotran, directrice des finances au conseil régional de Rhône-Alpes. Sa collectivité développe une démarche de contrôle externe visant notamment à systématiser une analyse des comptes annuels des principaux organismes qu’elle finance régulièrement.
Son objectif est de sécuriser ses relations financières et juridiques avec ces organismes. Si la région ne les notent pas, la mise en évidence de risques peut donner lieu à des échanges avec la structure concernée pour en comprendre l’origine. « Selon l’importance des risques, des évolutions dans les relations contractuelles avec la Région pourront être préconisées et parfois un audit approfondi organisé », précise Marianne Lacaze-Dotran.
Le département de la Seine de Marne, lui, a mis en place une grille d’analyse financière de ses organismes associés depuis 2008. « Une fiche récapitule, pour tous les organismes, les risques financiers, juridiques, fiscaux, sociaux et d’activités avec une couleur rouge, vert ou orange en fonction du degré de risque », explique Nelly Dufour, directeur du contrôle de gestion, de l’audit et de l’évaluation des politiques publiques.
Cette cartographie des risques est distribuée deux fois par an, en février et en octobre, à la DGS, la DGA et au cabinet.
Il y a toujours un risque qu’une association, avec laquelle la collectivité est en relations étroites, présente des difficultés financières. Or, la disparition d’une telle association peut poser la question de la continuité du service qu’elle offrait, comme de l’aide à la personne par exemple.
« La collectivité doit donc être attentive à la situation de ces acteurs car il peut être plus coûteux pour elle de reprendre l’activité en interne que d’accroître ses contributions financières », souligne Franck Valletoux, du cabinet Stratégies Locales.
Dégager des marges de manœuvre. « La cartographie des risques est un outil d’aide à la décision au quotidien, qui nous permet notamment, lors de l’élaboration du budget, de voir si nous avons des marges de manœuvre », souligne Nelly Dufour. Ainsi, par exemple, si son service constate que certains organismes dispose d’une trésorerie abondante, il regarde s’il est possible d’optimiser la prochaine subvention.
Cette grille d’analyse financière lui a permis de recouvrir des trop perçus sur des subventions de fonctionnement départemental, et, un solde de provisions non utilisées lui a été restitué. « Nous avons par exemple diminué la participation du Conseil général de 3,5 millions d’euros envers un organisme public à hauteur des provisions non utilisées », explique Élodie Pasquet, contrôleur de gestion et analyste financier au CG77.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place un système pour collecter les données. « Tous les organismes nous donnent leur comptabilité détaillée et leur bilan d’activité. C’est prévu dans les conventions. Peu à peu, c’est entré dans les mœurs », remarque Nelly Dufour.
En Rhône Alpes, la région s’est dotée d’un extranet permettant aux organismes bénéficiant de ses financements de déposer des documents financiers et juridiques, dont les comptes annuels.
De plus, la direction des finances et celle des affaires juridiques ont créé une formation sur les relations collectivité – associations. « Une dizaine de directions a déjà bénéficié de cette formation, qui les sensibilise aux risques et à l’utilisation d’outils développés en interne », raconte Marianne Lacaze-Dotran.
Les données sont saisies et analysées en interne, afin de produire des indicateurs financiers d’alerte (endettement, trésorerie, fonds propres etc)… mais aussi des indicateurs d’évolution du modèle économique du partenaires (structures des charges, diversité des financements…).
Peu d’outils dédiés. « Jusqu’à présent, nous utilisons un fichier Excel que nous envisageons de rendre accessible en temps réel aux directions via QlikView », note Nelly Dufour. La région Rhône-Alpes utilise aussi une maquette développée sur Excel. « A ce stade, il n’y a pas de projet d’acquisition de logiciel spécifique mais il est prévu le développement d’un outil en interne par la direction des services de l’information », explique Marianne Lacaze-Dotran.
L’Établissement Public Foncier du Nord Pas de Calais, qui signe des conventions de portage avec les collectivités pour des opérations foncières (traitement de friches industrielles, démolition, dépollution…) pour sa cartographie des risques utilise un outil de l’éditeur MGDIS. Il a calculé ses indicateurs pour les 200 à 300 collectivités pour qui il fait du portage, et les compare au niveau régional.
Cependant, comme le rappelle, Marc Kaszinski, son DG, « cela nous donne des indications que sur une situation présente et passée mais ne nous éclaire pas la situation future. C’est donc un élément du débat, mais pas le seul, ni le plus décisif. » Contrairement aux banques et aux assureurs, le scoring dans le monde des collectivités n’est donc pas un couperet.
Sélection des organismes à la région Rhône-Alpes
Le choix des organismes est issu d’un partenariat avec la Mission d’Expertise Économique et Financière (MEEF) de la DGFIP, qui a développé une méthodologie pour analyser et regrouper les risques induits par les organismes bénéficiant de financements publics et évaluer leur impact sur la situation financière et les marges de manœuvre des collectivités.
Ainsi, la région a travaillé à partir de la liste des organismes bénéficiant de subventions supérieures à 75 000 € annuels, en appliquant ensuite les critères suivants :
financement annuel supérieur à 500 000 €
sur 3 années consécutives
exclusion de certaines natures juridiques
Ce travail a permis d’aboutir à un panel d’une centaine d’organismes à suivre de façon régulière. Parmi ces organismes, la région a ensuite choisi de suivre de façon spécifique, sous l’angle du pilotage de la relation, une dizaine d’« organismes relais » de la politique régionale en portant un regard sur leur contribution à la politique de la région, leurs objectifs, les relations avec la collectivité…
Les indicateurs retenus par la Seine et Marne
Pour chaque organisme présents dans la cartographie des risques, le département liste les indicateurs suivants, et leur attribue la couleur rouge, vert ou orange en fonction du degré de risque: Liquidité Financière
Structure financière : fonds de roulement, besoin en fonds de roulement, trésorerie nette nominale
Solvabilité financière : trésorerie nette en jour de charges annuelles, liquidité globale, liquidité immédiate
Endettement Capacité d’auto-financement Indicateurs
participation du conseil général 77/total des charges d’exploitation
indexation produits / charges totaux
crédit fournisseurs en jours
(La Gazette des Communes)