Produits dérivés : une décision de justice lourde de conséquences : La Société Générale a été condamnée à payer 8 millions.
La justice lui reproche un défaut d’information sur ses marges : une première pour le secteur.
C’est une décision qui pourrait être lourde de conséquences pour les produits dérivés utilisés pour se protéger contre les risques de fluctuation de cours. Dans un arrêt rendu le 26 septembre, la cour d’appel de Paris a condamné la Société Générale à indemniser la société minière calédonienne SMGM à hauteur de 8 millions de dollars. La justice reproche à la banque de lui avoir conseillé de couvrir sa production de nickel grâce à ce type d’instrument financier, sans préciser les marges que cela générerait pour le groupe bancaire.
Le principe des produits de couverture à base d’options consiste à échanger deux produits contraires. Le client achète à la banque une option de vente (« put ») qui se déclenche à partir d’un prix plancher convenu à l’avance. Dans le cas de la SMGM, elle s’est ainsi couverte contre une baisse trop forte du prix du nickel, en-deçà de 13.500 dollars la tonne. Si tel avait été le cas, la SMGM aurait pu facturer le différentiel de prix à la banque, laquelle s’est elle aussi couverte contre ce risque auprès du marché. Dans le même temps, le client vend à la banque une option d’achat (un « call ») que cette dernière peut exercer à partir du franchissement d’un prix aussi fixé à l’avance, soit 15.000 dollars la tonne dans le cas présent. Autrement dit, si le prix du nickel allait au-delà, la banque pouvait facturer à la SMGM la différence entre ce prix et celui du marché. C’est justement ce qui s’est passé : entre 2006 et 2008, le prix du nickel s’est envolé jusqu’à 50.000 dollars la tonne. La Société Générale ayant vendu à la SMGM plusieurs produits de couverture, elle a donc exercé plusieurs fois ses options et facturé le prix de ces produits. La SMGM se plaint ainsi d’avoir dû régler près de 23 millions de dollars au groupe bancaire.
Du « call » et du « put »
Ce que la cour d’appel reproche à la Société Générale, c’est de ne pas avoir révélé à sa cliente le montant réel de sa rémunération liée à la mise en place simultanée du « call » et du « put ». En prenant le « package » des deux options inverses, la SMGM n’a pas eu à régler de prime. Mais, selon les experts consultés par la justice sur deux opérations, la banque aurait réalisé une marge cachée de près de 1 million d’euros. Selon Me Hascoët, représentant les intérêts de la société minière, celle-ci n’a pas été en mesure de mettre en balance ce coût avec celui d’une simple option de couverture contre une baisse de prix.
Pour Me Hascoët, la décision de la cour d’appel de Paris marque une étape importante, car « le client disposera désormais de la possibilité d’arbitrer entre différentes solutions de couverture de son risque en fonction de leur coût, puisque, dans le cadre d’opérations conclues de gré à gré, les établissements financiers seront tenus de fournir à leur client une information exhaustive sur les coûts et risques induits par les produits financiers à fort effet de levier ». Si la décision faisait jurisprudence, elle pourrait en effet obliger les banques à communiquer leurs marges. « Ce serait comme d’exiger d’un concessionnaire qu’il divulgue ce qu’il gagne sur la vente d’une voiture », s’insurge un banquier. La Société Générale réfléchit sérieusement à se pourvoir en cassation.
(Les Echos)