Interview de Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe de la Caisse des dépôts
Odile Renaud-Basso, directrice générale adjointe de la Caisse des dépôts et directrice des fonds d’épargne depuis septembre 2013, revient en détail sur l’annonce faite par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au Congrès des maires de simplifier l’accès des collectivités aux prêts sur fonds d’épargne de la Caisse des dépôts. Elle fait également un premier bilan des demandes d’emprunts sur cette enveloppe de 20 milliards d’euros et évoque plus généralement la situation des fonds d’épargne.
Quelle est la situation de la collecte des livrets d’épargne qui alimente les fonds d’épargne de la Caisse des dépôts ?
Les mois de septembre et d’octobre ont été l’occasion d’une décollecte assez marquée, de respectivement – 2,08 milliards et – 1,64 milliard d’euros, mais elle reste inférieure à celle de 2009. Ceci s’explique par une conjonction de facteurs.
Il y a tout d’abord traditionnellement à cette période des retraits liés aux paiements du 3e tiers des impôts sur le revenu et des impôts locaux, auxquels s’ajoute une baisse des dépôts liée sans doute à une diminution du taux de rémunération intervenue à l’été.
Cette baisse nous appelle à la prudence, notamment lors du prochain point avec les banques pour évoquer un nouveau transfert de liquidité, après celui intervenu en juillet dernier. Si la collecte a en effet récemment été marquée par une très forte hausse consécutive à l’augmentation des plafonds des livrets d’épargne, nous nous attendons désormais à une stabilisation, avec une dynamique un peu plus faible que ces dernières années.
La collecte sera toutefois très nettement positive en 2013. Sur les 10 premiers mois de l’année, celle-ci s’élève déjà 19,44 milliards d’euros.
Comment a évolué la « centralisation » à la Caisse des dépôts des sommes déposées sur les livrets d’épargne ?
Le transfert en juillet dernier de 30 milliards d’euros aux banques a été accompagné de la modification du décret fixant les règles de la centralisation des montants déposés sur les livrets d’épargne à la Caisse des dépôts. Nous avons transféré de la liquidité aux banques mais avec la possibilité de la rappeler en fonction de certains ratios.
Il en existait déjà qui prévoyait que le fonds d’épargne dispose d’un minimum d’épargne réglementée centralisée de 125 % des encours de prêts au logement social.
Un second a été ajouté imposant que nous possédions en ressources au moins 135 % de l’encours de l’ensemble des prêts que nous faisons. Ce sont des mécanismes de régulation de la liquidité. Les projections que nous faisons régulièrement démontrent que nous sommes tout à fait en mesure d’assurer les prêts pendant les 10 prochaines années.
Lors de la discussion du précédent décret fixant la centralisation, en 2011, cela semblait être un enjeu très important. Cela ne semble plus être le cas, pourquoi ?
D’une certaine façon, nous avons changé de mode de gestion de la liquidité avec le relèvement des plafonds des livrets d’épargne et la hausse de la liquidité que cela a entraînée.
Compte tenu de la conjoncture, du taux de replacement de la liquidité et du faible retour sur investissement, nous avons pu accéder à la demande des banques de disposer de plus de liquidité pour répondre aux exigences qui s’imposent à elles en la matière.
Nous avons révisé nos besoins en termes de liquidité, mais nous avons obtenu en contrepartie une baisse de commissionnement des banques [de 0,5 à 0,4 %], ce qui est un élément important pour la restauration de nos marges et pour nos fonds propres.
Cette baisse représente un gain annuel de quelques centaines de millions d’euros pour nous, qui nous a permis d’accorder des bonifications à hauteur de 120 millions d’euros en faveur de la construction de logements sociaux Plus et PLAI bénéficiant d’un agrément en 2013.
Nous ne nous mettons donc pas en situation de risque du fait de ce transfert aux banques.
Quels sont les changements intervenus sur l’enveloppe de 20 milliards d’euros de prêts de très long terme aux collectivités sur la période 2013-2017, annoncée l’an passé par François Hollande et débloquée en avril dernier ?
Tout d’abord, en juillet 2013, le taux a été baissé et le champ des prêts élargi. Il y a aussi eu des facteurs de simplification importants concernant l’instruction des prêts, avec de la souplesse sur la date de l’ordre de service des travaux et la suppression du comité tripartite – composé de membres de Bercy, de la Caisse des dépôts et du ministère concerné selon le projet.
Il y a désormais une instruction opérée par les équipes de la Caisse des dépôts aux niveaux local et national et des reportings réguliers aux ministères.
Récemment, le Premier ministre, a annoncé deux nouveaux assouplissements importants dans les règles d’octroi de ces prêts : tout projet nécessitant des financements de long terme devient éligible, les petits projets sont facilités avec un financement qui peut aller jusqu’à 75 % d’un projet entre 1 et 2 millions d’euros et 100 % en dessous d’1 million [il est sinon limité à 50 %].
Il apparaissait logique, dans la suite des précédentes enveloppes thématiques sur fonds d’épargne, d’afficher un certain nombre de priorités, mais il est apparu que la mise en œuvre du dispositif dans des domaines strictement définis posait des difficultés. C’était perçu comme un frein, un élément bureaucratique. Ainsi la construction d’un équipement scolaire était éligible à ces emprunts, mais pas l’extension d’un bâtiment ou le périscolaire.
Il faut aussi savoir que les emprunteurs éligibles ont été élargis aux établissements de santé privés à but non lucratif ainsi qu’à la Société du Grand Paris qui est un établissement public et commercial qui portera d’importants projets de transports.
Nous conservons par ailleurs des taux attractifs, livret A + 1 % jusqu’en juillet 2014, sur des durées de 20 à 40 ans. Nous pouvons également proposer des périodes de mobilisation et ses profils d’amortissement tout à fait adaptés à la configuration de chacun des projets.
L’objectif en définitive est de proposer des prêts simples avec un mécanisme d’octroi rapide aux meilleures conditions possibles.
A la différence des organismes de logement sociaux, les collectivités ne sont pas toujours habituées à se financer avec des prêts indexés sur le taux du livret A, mais c’est en général plutôt perçu comme très sécurisé et très compétitif.
Il est vrai que compte tenu de la durée des prêts proposés, les marges sont très faibles et assez proches du coût de la ressource.
Quel est le premier bilan de cette enveloppe ?
Il y a fin novembre environ 500 dossiers, représentant plus de 2 milliards d’euros de prêts, qui sont en cours d’instruction. 1,2 milliard d’euros sont d’ores et déjà engagés et une partie devrait être signée d’ici la fin de l’année en fonction des besoins des collectivités.
Cette mobilisation, tout à fait conforme à nos attentes, devrait connaître une accélération avec la mise en œuvre des assouplissements décidés par le Premier ministre.
S’agissant des prêts signés en 2013, il faut toutefois noter qu’il y a une sorte d’inertie des anciens dispositifs : nous avons encore signé en 2013 des crédits venant de l’enveloppe exceptionnelle débloquée en 2012, des enveloppes thématiques, mais aussi, comme chaque année, des prêts au titre de la politique de la ville et à destination des établissements publics de santé.
Au total, à ces différents titres, les collectivités et les établissements de santé devraient avoir signé quelque 3 milliards d’euros de prêts sur fonds d’épargne en 2013.
En volume financier, les deux secteurs les plus sollicités jusqu’à présent concernant la nouvelle enveloppe de 20 milliards d’euros sont les transports et la rénovation des bâtiments publics. Ce dernier domaine est aussi parmi les plus importants en nombre de dossiers, avec l’eau.
La fin des restrictions en termes de thématiques devrait permettre d’aider aux petits travaux de voirie des communes, à l’entretien des routes pour les départements et à la construction de bâtiment public. Deux tiers des 500 dossiers à l’instruction concernent des projets de moins d’un million d’euros : les nouvelles règles de financement pour les petits projets devraient permettre d’optimiser la réponse apportée par la Caisse des dépôts pour ces dossiers.
Les fonds d’épargne servent principalement à financer la construction et la rénovation de logements sociaux, quelle est la tendance pour 2013 ?
Nous sommes sur la même tendance que celle de 2012 en termes de volume, le rythme est toujours assez élevé. Les effets du plan décidé par le gouvernement en faveur du logement social se traduiront par des agréments en 2013, qui n’ont naturellement pas encore donné lieu à une signature de prêts.
Il a en effet une certaine inertie entre l’agrément d’un projet et la signature du prêt. En termes de logements financés sur fonds d’épargne, nous prévoyons le financement de l’entrée dans le parc social d’environ 105 000 logements et de 150 000 rénovations en 2013.
Quelles sont les évolutions prévues par la Caisse des dépôts en matière de financement du logement ? Qu’en est-il du projet de « super PLAI » ?
Le groupe Caisse des dépôts a prévu d’agir en matière de logement intermédiaire par le biais d’un nouveau mécanisme prévu par le projet de loi de finances pour 2014 avec un taux de TVA réduit et une exonération de taxe foncière.
Il permettra notamment d’accompagner les investissements d’un véhicule géré par la SNI, avec l’objectif de construire 10 000 logements intermédiaires, en actionnant le levier de financements institutionnels. Les fonds d’épargne n’interviendraient qu’en tant que prêteur.
Concernant le projet de « super PLAI », ou de « PLAI adaptés », les prêts sur fonds d‘épargne mobilisés devraient être similaires à ceux d’un PLAI classique. A notre connaissance, ce projet lancé par le ministère de l’Egalité des territoires et du Logement vise à subventionner davantage ce type de prêts, et à proposer des services spécifiques, afin d’ouvrir les logements ainsi financés à des catégories de ménages n’accèdant pas habituellement au logement social classique.
L’objectif serait de produire annuellement 3 000 offres de ce type avec un loyer inférieur au PLAI et des services spécifiques. Cela créerait une transition utile entre l’hébergement spécifique et le logement social traditionnel.
(La Gazette de Communes)