A l’issue de la deuxième conférence des finances publiques locales le 16 juillet 2013, le Premier Ministre Jean-Marc Ayrault a donné les arbitrages de l’Etat pour les finances des collectivités territoriales. Plus de 2 milliards d’euros de recettes nouvelles potentielles sont accordés aux départements. Le Comité des finances locales est entendu sur les modalités de baisse des dotations, qui sera uniforme. Les régions, elles, sont insatisfaites. Des dispositions sont prises pour venir en aide aux collectivités territoriales ayant contracté des emprunts toxiques.
Afin de réduire la différence entre le coût des trois allocations individuelles de solidarité (AIS) que sont l’APA, la PCH et le RSA, et la compensation accordée par l’Etat – un « gap » que les départements évaluent à 7 milliards d’euros pour 2013 -, deux nouvelles ressources seraient dévolues aux conseils généraux.
La première prendrait la forme d’une dotation pérenne, de 830 millions d’euros par an. Une somme qui représente une estimation de la différence entre les recettes de Droits de mutation à titre onéreux (DMTO), perçues en 2012, et le montant attendu en 2013, qui pourrait s’élever à quelque 7,2 milliards.
Ces 830 millions d’euros proviendraient des frais de gestion de la taxe sur le foncier bâti, aujourd’hui perçue par l’Etat. Le versement de cette somme serait modulé entre les départements en fonction de la richesse de ces derniers.
La majoration du montant du RSA, de 2% par an, décidée lors de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté, qui devrait coûter entre 300 et 400 millions d’euros l’an prochain sera financée par ces 830 millions d’euros, fait-on valoir à Bercy.
Par ailleurs, les conseils généraux se verraient accorder le droit de déplafonner le taux des mêmes DMTO, qui pourrait passer de 3,8 à 4,5 %. Ce qui générerait une somme estimée à 1,3 milliard d’euros. Les départements retrouveraient ainsi de l’autonomie fiscale.
« Compte tenu du fait qu’il était exclu pour l’Etat de céder aux départements une part de CSG ou de TVA, qu’il entend conserver dans leur totalité, la liste des possibles n’était pas infinie », commente un expert, qui redoute néanmoins la levée de boucliers des lobbys de l’immobilier.
« Tout cela va représenter 2 milliards d’euros. C’est une bouffée d’oxygène exceptionnelle pour les départements. L’Etat change d’attitude envers les collectivités, c’est une excellente nouvelle », fait valoir Patrice Kanner, président du conseil général du Nord.
Le gouvernement a décidé de suivre l’avis du Comité des finances locales pour répartir entre les niveaux de collectivités l’effort représenté par la décrue des concours de l’Etat, d’1,5 milliard d’euros par an dès l’an prochain.
La baisse sera donc uniforme pour les trois niveaux de collectivités, les départements ne bénéficiant pas, en l’espèce, d’un traitement de faveur. La réduction s’élevera donc, en 2014, à :
840 millions d’euros pour le bloc communal (56 %) ;
476 millions d’euros pour les départements (32 %) ;
184 millions d’euros pour les régions (12 %).
A l’intérieur de chaque strate, l’effort demandé à chaque collectivité sera proportionnel à ses recettes de fonctionnement, sauf pour les départements, pour lesquels l’effort sera modulé dans une logique de péréquation que l’ADF devra définir elle-même. Les travaux seraient en bonne voie sur ce point.
Un récent rapport de l’IGA-IGF, révélé par la Lettre du secteur public, préconisait au contraire une baisse des dotations opérée pour l’ensemble des strates de collectivités en tenant compte de critères de richesse. Le gouvernement n’a donc pas suivi cette voie.
Le gouvernement a annoncé, dans le cadre du pacte, un renforcement de la péréquation, sous ses différentes formes, c’est-à-dire opérée via les dotations de l’Etat (verticale), ou via une ponction directe sur le budget de certaines collectivités au profit d’autres collectivités (horizontale).
Ainsi, si le plan gouvernemental est repris tel quel par la prochaine loi de finances, la montée en charge du Fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (Fpic) sera respectée : il atteindra donc la somme de 570 millions d’euros en 2014, tandis que le Fonds de solidarité de la région Ile-de-France (FSRIF) s’élèvera à 250 millions (contre 230 en 2013).
Des sommes mineures au regard des quelque 100 milliards d’euros de transferts financiers de l’Etat aux collectivités, mais qui devraient néanmoins provoquer une levée de bouclier des collectivités contributrices.
« Au sein de la dotation globale de fonctionnement, les dotations de péréquation augmenteront en 2014 à un rythme au moins égal à celui de l’année 2012, soit une progression minimale de 109 millions d’euros pour les dotations communales de péréquation et de 10 millions pour les dotations départementales », indique le relevé de décision de la rencontre de Matignon, que le Club finances de la Gazette des communes s’est procuré.
Le régime de l’assiette minimale de contribution foncière des entreprises (CFE), sera révisé, a également annoncé le gouvernement.
Contrairement aux départements, les régions ne bénéficient d’aucune manne nouvelle au terme de ce pacte. Mais elles devraient néanmoins recouvrer, au sein de leur panier de recettes, une part supérieure de recettes dynamiques.
Selon nos informations, 900 millions de dotation générale de décentralisation (DGD) leur seraient retirés, remplacés par 600 millions d’euros de frais de gestion des impôts que leur céderait l’Etat. Ainsi, une recette dynamique, indexée sur le produit des taxes locales, se substituerait à une recette figée.
300 millions d’euros de TICPE (ex TIPP) supplémentaires leur seraient également dévolus. Le gouvernement annonce également une réforme de la taxe d’apprentissage et une étude approfondie de la question de la territorialisation de la CVAE.
Mais les régions risquent de retenir surtout la décision de l’Etat de supprimer la prime d’apprentissage, accordée par les régions aux entreprises recrutant des apprentis.
D’un montant de 550 millions d’euros, elle est jugée largement inutile par l’Etat.
Les banques taxées – 1,5 milliard d’euros, sur 10 ans. Tel devrait être le montant du fonds d’aide aux collectivités qui ont souscrit des emprunts toxiques.
« L’abondement du fonds, à hauteur de 100 millions d’euros par an sur une durée maximale de 15 ans reposera pour moitié sur des ressources fiscales assises sur le secteur bancaire et pour moitié par une contribution de l’Etat », indique le projet de relevé de décision de la réunion du 16 juillet.
Du côté bancaire, la question réside notamment dans la participation respective de la Société de financement local (Sfil), qui détient trois quarts de l’encours toxique concerné, et de celle des autres banques.
Les prêts éligibles à ce fond seront les emprunts hors-charte Gissler, ainsi que ceux classés 3E, 4E et 5E, dont la formule structurée est activée.
Toutes les collectivités, ainsi que les Sdis, syndicats mixtes et EPCI auront accès à ce fonds, « le taux de prise en charge étant déterminé en fonction notamment de la situation financière de la collectivité ».
Plus surprenant, les collectivités auraient le choix entre utiliser l’aide pour refinancer une partie de l’indemnité de remboursement anticipé (IRA) des prêts en cause, ou pour financer une partie des intérêts des prêts, qu’elle conserveraient alors.
Conformément à leur volonté, les collectivités siégeront au sein du comité d’orientation du fonds.
Le gouvernement a indiqué à l’occasion de cette rencontre, qu’à l’avenir, la conférence des finances publiques locales sera organisée dans l’enceinte du Haut conseil des territoires et permettra d’associer les collectivités à la trajectoire pluriannuelle des finances publiques et à ses évolutions.
(Gazette des Communes / Club Finances)