Le Comité des finances locales (CFL) du 25 juin 2013 a permis d’aboutir à un consensus sur 25 propositions relatives aux 6 chantiers confiés par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault le 12 mars dernier. La baisse programmée des dotations au prorata des dépenses totales des différents échelons et l’évolution de la péréquation du bloc local ont été les sujets les plus discutés.
Avenir de la contractualisation Etat-régions, accès au crédit, évaluation des dépenses contraintes, nouvelles ressources et surtout répartition de la baisse des dotations et évolution des mécanismes de péréquation, tels étaient les 6 chantiers sur lesquels le CFL a consacré 10 réunions de ses 2 groupes de travail ces derniers mois.
Avant même de rentrer dans le détail des différents chantiers, plusieurs élus ont souhaité discuter de la terminologie de “pacte de confiance et de solidarité” qui doit être scellé avec le gouvernement, une idée présente dans le projet du candidat Hollande.
Baisse des dotations
Dans son relevé de décision, le CFL “prend acte” de la volonté de diminuer les concours de l’Etat et dit la “vive préoccupation” que suscite cette baisse qu’il souhaite être une “contribution exceptionnelle” à la réduction du déficit de l’Etat.
Les termes “prend acte” auraient “fait bondir la quasi-totalité des élus”, raconte un des présents à la réunion. Il a été question d’un remplacement par le verbe “dénonce”, ce qui n’a semble-t-il pas été retenu en définitive.
Deux demandes ont été formulées à ce sujet : un étalement sur trois ans des baisses de 1,5 milliard prévues les deux prochaines années et la mise en place d’un dispositif de préservation de l’investissement local. Sur ce dernier aspect, la forme qu’il pourrait prendre – André Laignel, président du CFL, avait proposé au titre de l’Association des maires de France la création d’un fonds dédié -, n’est pas précisée. L’idée d’un remboursement anticipé du fonds de compensation de la TVA a aussi été évoquée.
“Ma conviction est que la réduction des dotations de l’Etat va lui coûter plus cher que ce qu’il va économiser du fait de la baisse des investissements des acteurs publics locaux”, remarque le président du comité. Selon ce dernier, la prudence des investissements en début de mandat va se cumuler l’an prochain aux conséquences de la réduction des dotations.
Concernant l’imputation de cette baisse, un consensus s’est dégagé pour que la répartition s’applique au prorata des recettes totales des collectivités.
Les effets seraient les suivants pour 2014 :
Cette imputation ne se ferait a priori par sur une dotation particulière, mais apparaîtrait dans une ligne supplémentaire, négative, des concours de l’Etat.
André Laignel plaide lui pour qu’il n’y ait pas concrètement de baisse de dotations, mais que cette réduction soit inscrite dans les budgets de chaque collectivité.
Au niveau du bloc local, la répartition est calculée en deux temps : tout d’abord au prorata des recettes totales par rapport aux autres échelons, puis en fonction des recettes réelles de fonctionnement pour la répartition communes-EPCI.
L’application de ce critère a fait l’objet de longues discussions, avec d’un côté les partisans – dont la DGCL pour des raisons pratiques – du choix d’une proportion a priori (60 %-40 % par exemple) et de l’autre ceux favorables à une répartition en fonction d’une donnée objective.
Pour les département, malgré la réserve de l’ADF, il a été décidé que la baisse serait modulée dans un logique de péréquation.
Le groupe de travail sur les dotations avait imaginé un dispositif en fonction du revenu par habitant et de l’effort fiscal, mais l’ADF travaille actuellement à un système de classement des départements pour l’ensemble des mécanismes de péréquation qui pourrait également s’appliquer en l’espèce.
Enfin, les régions seront touchées au prorata de leurs recettes réelles avec une prise en compte de la spécificité de l’outre-mer et de la Corse sur laquelle doit travailler l’Association des régions de France.
Péréquation
Dans son relevé de décision, le CFL indique être favorable à l’augmentation de la péréquation afin de limiter l’impact de la baisse des dotations pour les collectivités les plus pauvres.
La hausse des deux mécanismes du bloc local, le fonds de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC) et son homologue d’Ile-de-France (FSRIF), serait donc en 2014, conformément à ce qui est prévu par la loi, de respectivement 210 millions et 20 millions d’euros.
Les élus demandent toutefois des aménagements du FPIC, afin notamment :
que la part du revenu par habitant soit augmentée dans les critères de prélèvement (de 20 à 25 %) ;
que l’effort fiscal minimum pour faire partie des bénéficiaires soit relevé (de 0,75 à 1 d’ici 2015) ;
et que le plafond de contribution au fonds passe de 11 à 13 % des ressources fiscales.
De plus, une réflexion pourrait être menée pour mieux prendre en compte les territoires industriels, afin notamment de revoir les modalités de calcul du potentiel financier agrégé.
Concernant la péréquation dite “verticale”, il est demandé que les dotations de péréquation augmentent de 109 millions l’année prochaine, dont + 60 millions pour la dotation de solidarité urbaine, + 39 millions pour la dotation de solidarité rurale et + 10 millions pour la dotation nationale de péréquation.
Si le montant global des hausses de péréquation ne fait pas l’objet de contestation, une évaluation de la performance de ces mécanismes a été demandée par certains élus, notamment des grandes villes.
Nouvelles ressources des collectivités
Ce chantier a été grandement freiné par le manque de réponses de l’Etat, d’une part, dans le cadre des discussions bilatérales avec les départements sur les allocations de solidarité, d’autre part, avec les régions qui demandent de retrouver de l’autonomie fiscale.
Pour les départements, rien n’a donc été décidé au CFL.
En revanche, pour les régions, 4 pistes ont fait l’objet d’une demande d’examen :
la création d’un versement transport interstitiel (au-delà des zones urbaines où il existe déjà) sans remise en cause de l’existant ;
l’extension de la taxe d’aménagement – existant en Ile-de-France – à l’ensemble du territoire ;
la création d’une imposition dans le secteur du numérique ;
l’instauration d’un fiscalité sur les autoroutes.
Des préconisations ont été faites pour le bloc local s’agissant de la réforme à venir des valeurs locatives des locaux d’habitation pour laquelle il est réclamé une concertation avec les élus “sans remise en cause des dégrèvements de taxe d’habitation”. Ces dégrèvements à l’égard de certains publics (personnes âgées, handicapées, etc.) représentent en effet 4 milliards d’euros de transferts de l’Etat aux collectivités.
Les élus recommandent également la substitution du chiffre d’affaires par la valeur ajoutée comme assiette de la base minimum de la cotisation foncière des entreprises et l’examen d’une déliaison des taux de fiscalité locale.
D’une manière générale, le CFL demande que l’autonomie fiscale des collectivités soit “préservée” et que cesse la transformation de fiscalité en dotation… une pratique qu’affectionne Bercy pour “reprendre la main sur la décentralisation”, remarque un expert.
“Les élus demandent plus de liberté”, résume André Laignel.
Dépenses contraintes des collectivités
L’état des lieux réalisé, à partir des textes examinés par la Commission consultative d’évaluation des charges, permet d’évaluer à 900 millions d’euros les charges nouvelles qui vont peser en 2014 sur les acteurs publics locaux.
Cette évaluation ne tient pas compte du coût de la réforme des rythmes scolaires (inestimable selon le gouvernement, 600 millions selon les élus), la revalorisation des catégories C (environ 200 millions) et la hausse de la TVA (environ 200 millions).
Soit au total 1,8 milliard d’euros de charges nouvelles en 2014.
Le CFL demande donc que “tout transfert aux collectivités fasse l’objet d’une compensation intégrale.”
Accès au crédit des collectivités
Outre le constat des évolutions dans le paysage du financement (création de la Société de financement local [SFIL], déblocage d’une enveloppe de 20 milliards de prêts de très long terme de la Caisse des dépôts, etc.), le comité a indiqué être “opposé” à l’alimentation d’un fonds – annoncé par Bercy – pour les collectivités ayant souscrit des emprunts toxiques.
Certains élus auraient mal digéré le “hold-up” du gouvernement sur les amendes de police lors de la dernière loi de finances rectificatives pour alimenter une première version de ce fonds…
“La validation du taux effectif global (TEG) est indispensable car sinon la SFIL ne pourra pas aller se financer sur les marchés”, estime le président du comité. Une validation qui pourrait figurer dans la prochaine loi de finances.
Le CFL a par ailleurs demandé un assouplissement des conditions d’accès à l’enveloppe de 20 milliards de prêts sur fonds d’épargne afin que :
les emplois sur l’eau et l’assainissement, limités à la rénovation, soient élargis à l’extension et la création de réseau ;
les réseaux de chaleur et la mise aux normes d’accessibilité soient inclus parmi les emplois possibles.
Avenir de la contractualisation Etat-régions
Ce chantier, considéré comme le plus simple en l’absence de connaissance des intentions du gouvernement en la matière et de la programmation européenne, 4 recommandations sont émises.
La contractualisation devra viser à “corriger les inégalités” dans une logique d’aménagement du territoire, associer tous les niveaux de collectivités, être engagée rapidement et ne pas s’interrompre avec le précédent exercice.
Les élus attendent désormais une date de rendez-vous à Matignon pour connaître le sort de leurs propositions qui seront, le cas échéant, inscrites en loi de finances pour 2014.
Alors que la fin juin était prévue à l’origine, c’est désormais dans la semaine du 15 juillet que pourrait être programmée cette réunion.
Gouvernement et collectivités peinent à trouver un accord sur les ressources fiscales.
(La Gazette de Communes)