Rollon Mouchel-Blaisot, le directeur général de l’Association des maires de France, nommé en octobre coordinateur du projet de l’Agence France locale, nouvel outil de financement des collectivités, fait le point avec Acteurs publics sur le montage de cet établissement financier inédit en France.
La naissance officielle de l’Agence France locale (AFL) a été actée en octobre. Est-ce une avancée décisive ?
C’est un succès d’étape important. Il arrive trois ans après la création de l’association de préfiguration fondée par Jacques Pélissard, Gérard Collomb et Michel Destot et un an après le feu vert de François Hollande au congrès des maires de novembre 2012. Après l’obtention de l’autorisation législative, par le biais d’un amendement gouvernemental au projet de loi bancaire, la réunion du 22 octobre a été un tournant. Nous portions avant de fortes convictions pour faire accepter le projet. À présent, nous entamons le montage concret de cet établissement financier qui a vocation, à terme, à prêter 4 milliards d’euros par an aux collectivités.
Avez-vous dû batailler pour en arriver là ?
Il a surtout fallu convaincre l’État que sa garantie n’était pas sollicitée. Après la déconfiture de Dexia, ses interrogations étaient légitimes pour que cet outil de financement des investissements des collectivités soit suffisamment solide. L’idée était bien présente dans l’esprit des promoteurs du projet, qui ont décidé dès le départ que les règles de fonctionnement seraient les plus rigoureuses de la place, avec de surcroît des règles de garantie solidaire des collectivités entre elles particulièrement responsables.
Vous vous êtes aussi fortement appuyé sur les modèles d’agences existant en Europe…
Dès que l’idée a germé, en 2004, ce projet s’est inspiré des agences nordiques, très performantes, qui ont prouvé leur force lors de la crise de 2008 où elles n’ont connu aucun problème d’accès à la liquidité. S’inspirer de ce qui se fait de mieux en Europe a été un choix stratégique des élus. Nous nous sommes aussi appuyés sur les conseils précieux de Lars Andersson, créateur et premier directeur de l’agence suédoise Kommuninvest. L’AFL sera donc profondément européenne.
11 collectivités ont d’ores et déjà été intégrées comme “membres fondateurs” ?
Les élus ont toujours souhaité que le conseil d’administration de la société territoriale (qui fixera les orientations stratégiques de l’AFL), reflète le poids respectif de chaque niveau de collectivités dans l’emprunt. Ainsi, régions, départements, intercommunalités et communes sont représentés selon ce critère. Une région devrait bientôt rejoindre les 11 collectivités fondatrices, formant un noyau stable pendant cette phase toujours délicate de décollage.
En plus d’être directeur général des services de l’Association des maires de France, vous avez été nommé en octobre coordinateur général du projet de l’agence. En quoi ce travail consiste-t-il ?
Nous devons monter un nouvel établissement financier en partant de zéro ! Le nombre des réunions visant à préparer les décisions et délibérations à soumettre aux instances délibérantes de l’AFL est assez considérable. Les personnes extérieures au dossier ne soupçonnent pas la masse de travail nécessaire pour mettre en cohérence l’ensemble. Il m’a été confié, en quelque sorte, un rôle d’ensemblier et de cohésion de notre équipe opérationnelle, avec l’appui des conseillers techniques spécialisés de nos associations et des experts que nous avons sollicités. En plus du secrétariat du conseil d’administration, je suis en charge des relations avec les pouvoirs publics, les élus, les administrations ainsi que de la communication, qui est essentielle pour faire connaitre l’AFL aux collectivités et démontrer sa crédibilité financière. À cela s’ajoute une vigilance sur le respect des règles de bonne gouvernance et de la déontologie, car l’Agence devra être exemplaire.
Vous êtes finalement chargé de mettre en œuvre le projet des élus ?
Ce projet est porté par les élus et nous agissons sous leur direction. Les décisions stratégiques leur reviennent totalement car ils sont responsables de l’argent public de leurs collectivités investi dans l’Agence. Il est donc important de veiller au respect des orientations stratégiques fixées par les membres fondateurs et qui sont au cœur même de leur projet. Par exemple, les critères d’adhésion sont rigoureux et ne souffrent pas de dérogation. À situation financière égale, traitement égal en termes de crédit, et cela quelle que soit la taille de la collectivité.
Je ne suis d’ailleurs pas seul pour mener à bien cette étape. Je travaille en tandem permanent avec Olivier Landel, délégué de l’Association des communautés urbaines de France (Acuf) et directeur opérationnel de la société territoriale, très mobilisé avec les collectivités candidates pour organiser leur adhésion et le versement de leur apport en capital, car l’Agence est une société anonyme publique. Nous sommes très complémentaires.
Ce rôle vous convient-il ?
Le montage d’un tel projet est à la fois passionnant et motivant, d’autant qu’il bénéficie de l’impulsion d’élus politiques de premier plan de tous bords. Je m’y sens à l’aise. Il s’agit d’apporter un vrai plus aux collectivités pour mener à bien leurs investissements, dans une logique d’intérêt général. Cela correspond à ma conception du service public, selon laquelle nous devons nous retrousser les manches pour mettre en place des outils performants et responsables au service de notre pays.
Quelles sont les prochaines étapes importantes pour l’Agence France locale ?
Nous préparons actuellement le conseil d’administration du 3 décembre au cours duquel les projets de statuts seront définitivement adoptés et la création de la filiale financière engagée. Le président du directoire de cette société sera nommé. Le conseil prendra aussi des décisions importantes : stratégie, nominations, conditions d’adhésion, dossier auprès de l’Autorité de contrôle prudentiel, etc.
Où en êtes-vous, justement, de l’obtention de l’agrément de l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP) ?
Nous avons eu une première rencontre le 5 novembre dernier avec les responsables de l’ACP pour présenter le projet et fixer le calendrier et la méthode. Nous pensons remettre un premier dossier de demande d’agrément avant fin mars 2014. Il y aura ensuite une période d’échanges pour finaliser notre organisation conformément aux attentes du régulateur. Nous espérons obtenir cet agrément pour l’automne 2014, ce qui permettrait à l’Agence de faire une première opération pour ses membres avant la fin de l’année prochaine. Le calendrier est ambitieux, mais tout le monde est motivé par ce challenge.
(Acteurs Publics)