Les collectivités vivent une période que l’on pourrait qualifier de faste. Les diverses mesures gouvernementales les conduisent à une situation financière vertueuse et les trésoreries sont pléthoriques. L’investissement a repris en 2018 et se confirme pour 2019/2020, favorisé par la fin de mandat mais aussi par une amélioration nette de l’autofinancement conduisant à un endettement plus faible dans une période de taux historiquement bas et de concurrence vive entre établissements prêteurs. Les collectivités se désendettent peu à peu et renouvellent leur stock dans des conditions exceptionnelles.
C’est en tout cas ce qui ressort du dernier rapport de la Cour des Comptes sur « la dette des entités publiques » et de la dernière note de conjoncture de S&P (voir « News »). Mais c’est un peu l’arbre qui cache la forêt.
Les taux bas masquent une remontée très sensible du prix de la ressource bancaire que l’on constate plus facilement dans les marges sur un taux révisable que dans l’expression d’un taux fixe.
Les durées de prêt s’allongent ainsi que les phases de mobilisation, mais peu d’emprunteurs adossent leurs emprunts aux biens financés et préfèrent afficher un taux bas sur une période courte quitte à, en reprenant les « bonnes habitudes », réaménager plus tard lorsque le besoin de marge de manœuvre se fera sentir.
Parallèlement, ces mêmes emprunteurs regardent avec désespoir les emprunts souscrits dans les années antérieures (avant 2008 et pendant la période de crise de liquidités) et se désolent de ne pouvoir les renégocier dans de bonnes conditions !
L’emprunt d’équilibre demeure la règle au détriment du financement de projet qui pourtant colle à la réalité économique (phase de mobilisation longue et phase de consolidation facilement à 25 ans et de plus en plus à 30 ans).
Les taux longs sont assez peu différents entre le 15 et le 30 ans amortissables (0,30% environ) et la platitude de la courbe de taux permet de sécuriser les taux à date de consolidation (2 ou 3 ans plus tard) pour un prix faible (actuellement moins de 0,10% par an).
La gestion de la dette (encours et flux nouveaux) est donc sortie de la préoccupation de la plupart des gestionnaires qui, pour autant, ne profitent pas de cette période rare pour travailler leurs cahiers des charges et mettre en place des produits sur lesquels ils pourraient durablement garder la main.
Mais voilà, le passé est vite oublié et le banquier demeure le conseillé le plus écouté. Comme dirait Monsieur de la Palisse, c’est lui qui a le pouvoir car c’est bien lui qui prête.
La dissymétrie de connaissance et de comportement a encore de beaux jours devant elle. Bien dommage car le contexte n’a jamais été aussi opportun pour gérer de façon active et sécurisante la dette !