Ces dix dernières années, les directeurs de la Banque centrale européenne qui se sont succédé (Jean-Claude Trichet puis Mario Draghi), ont vu leur capacité d’adaptation mise à rude épreuve par une crise systémique majeure, aux causes profondes et inédites, et qui est à l’origine d’une nouvelle pratique et même d’une nouvelle culture des marchés financiers. Cette crise les a poussé à mettre en place de nouvelles stratégies, et a changé la façon dont la BCE conduisait jusque là sa politique monétaire.
La BCE pratiquait initialement une politique qui au travers des trois taux directeurs – le taux de rémunération des dépôts, le taux de refinancement et le taux de prêt marginal – avait pour objectif de maintenir une inflation cible à travers. À ceux-ci s’ajoutaient une gamme d’instruments traditionnels qui permettait à la BCE, en pratique, d’influencer les marchés. On parle notamment d’Open Market les facilités permanentes et autres réserves obligatoires.
Si ces instruments permettaient habituellement à la BCE de tenir ses objectifs, la crise des Subprimes en rendant les marchés inopérants, a poussé la BCE à développer de nouveaux outils moins « conventionnels ».
Dos à un mur d’un nouveau type, la BCE a dû prendre des décisions parfois controversées pour sortir de la banqueroute des institutions financières majeures, ou des Etats. C’est ainsi que né le Securities Market Program, un programme de rachat indirect de dettes d’Etats qui a permis, entre autres, à la Grèce de se délester de quelque milliards d’euros de dettes mal notées.
Par la suite, se sont succédés plusieurs autres plans inédits de la BCE dont les Opération monétaires sur titres ou encore le Quantitative easing qui vient de prendre fin. Ces différentes opérations avaient toutes pour but de relancer les marchés et la confiance des agents par la biais du rachat d’une partie de leur dette.
La semaine dernière M. Draghi s’exprimait publiquement, se voulant rassurant sur le niveau des taux et la conjoncture européenne. Après des années d’efforts, l’année 2018 se devait d’être annonciatrice d’une reprise – durable – très attendue, avant d’entrer dans la période de doute de ces dernières semaines. Une question étaient alors sur toutes les lèvres des journalistes : « dans la conjoncture actuelle de taux très bas, et de fin du Quantitative easing, la BCE ne serait-elle pas à court d’outils si elle devait intervenir de nouveau sur les marchés ? » Le président, qui a jusqu’ici su se renouveler, s’est voulu confiant pour la suite des événements. Qu’en sera-t-il de son successeur qui devrait le remplacer d’ici à octobre 2019 ?