Edito « E-Marchés » de la semaine, par Sacha SITBON, Ingénieur en finances de marchés .
C’est donc officiel, Mario Draghi ne sera pas le président qui fera remonter les taux. Quelques jours auparavant, Benoit Coeuré laissait entendre que la BCE mettait à l’étude la possibilité d’une nouvelle salve d’Opérations ciblées de refinancement à long terme, les TLTRO. Dès lors, tous les acteurs étaient suspendus aux lèvres de M. Draghi.
Dans le récent contexte économique, marqué par un ralentissement global et un manque de confiance, tous guettent dans les discours officiels les signes d’une possible reprise. Là où la Fed s’était voulue rassurante – en décrivant très prudemment les prévisions de croissance comme « solide », rompant ainsi avec le terme « fort » utilisé jusque là – la BCE se veut plus sur la réserve, concédant un « ralentissement » conjoncturel malgré des « statistiques encourageantes ». A cette annonce mitigée s’ajoutait celle de la hausse des taux qui est repoussée à l’horizon 2020.
Mais la plus importante annonce de jeudi dernier, fut bien celle de la nouvelle salve de TLTRO à venir pour cette année puis pour 2021. Les TLTRO, déjà utilisés en 2012 ont pour but d’assurer aux banques une source de liquidité à faible coût et à long terme afin que celles-ci puissent continuer à garantir aux ménages, entreprises et organismes publics l’accès à des crédits compétitifs. Cet outil relève d’une politique moins expansionniste que le Quantitative Easing dans la mesure ou la liquidité est réservée aux banques qui doivent se faire les intermédiaires entre la BCE et les agents mais dont le dessein est le même : soulager les marchés de ses contraintes de liquidités afin de forcer la reprise.
Si cette mesure est sensée appuyer la croissance et promouvoir la consommation, une réserve se fait sentir. En effet, et c’est le message des anti-QE, irriguer le marché de liquidités « gratuites » permet une forme de reprise faciale, mais qui ne s’appuie pas sur une réelle création de valeur ce qui rend ainsi les agents (et principalement les banques) dépendant à
cette liquidité gratuite.
Alors que les taux avaient à peine suggéré une reprise en 2018, le dynamisme économique s’est rapidement tari. Se pose alors la question de la confiance des marchés dans la reprise que ces politiques très expansionnistes leur offrent. A titre de comparaison, la Bank of Japan (BoJ) fut la première banque centrale à implémenter le Quantitative easing dans les années 2000 pour lutter contre une déflation alors très forte. Quasiment 20 ans après, le Yen est relativement stable et s’impose même comme une valeur refuge sur le marché des devises. Cependant, les taux peinent toujours à remonter, l’endettement est fort, et la croissance peut être tout juste qualifiée de modique.
Est-ce à dire que c’est l’écueil qui attend l’Europe ? Seul l’avenir nous le dira, mais la question de la confiance semble s’imposer comme le prochain grand problème auquel le successeur de M. Draghi (qui finira son mandat en octobre) devra faire face.