La banque d’affaire Lehman Brothers s’est inscrite sous la loi des faillites il y a 10 ans (15 septembre 2008), mais c’est bien la crise des Subprimes (crédits hypothécaires à risque) qui a débuté dès juillet 2007, avec la baisse des prix de l’immobilier aux Etats-Unis qui en est à l’origine.
Cette dernière aura des répercussions mondiales et fera ressortir la fragilité du système bancaire international, notamment en matière de couverture du risque de défaut. Le bail-out généralisé (sauvetage des banques par intervention massive des Etats, et donc des contribuables) n’est, 10 ans après, pas encore complètement soldé : Royal Bank of Scotland est toujours détenue à 62% par le Royaume-Uni, Fannie Mae et Freddy Mac, sociétés de garanties hypothécaires créées et nationalisées en 2008 par l’Etat fédéral américain, n’ont pas encore remboursé leur Bail-out et ont nécessité une augmentation de capital en 2017.
À l’issue de la crise de 2008, la réglementation s’est renforcée selon plusieurs axes:
Renforcement des normes établies par le comité de Bâle : passage de Bâle II à Bâle III, avec augmentation du volume de fonds propres à immobiliser en contrepartie des crédits octroyés. La dernière version en date, établie fin décembre 2017, ajoute un plancher de fonds propres pour les modèles internes ;
Mise en place d’une stratégie de Bail-in, à savoir le renflouement des banques en faillite par les actionnaires et les créanciers, avant un éventuel Bail-out par le contribuable, en cas d’insuffisance du Bail-in.
Reste que les analystes, de tous bords (de Terra nova à Contrepoints) pointent de nombreuses insuffisances sur la gestion du système bancaire post-crise :
Les banques les plus importantes (ou systémiques) disposent des moyens d’établir leurs propres critères de notation. Le secteur, très concentré avant 2007, l’est encore plus. C’est notamment le cas du système bancaire européen. À ce titre, il faut souligner que les Européens étaient réfractaires à l’actualisation des normes Bâle III de décembre dernier ;
La complexité et la lourdeur des banques systémiques rendent la régulation du système bancaire difficile, d’autant qu’il n’y a pas eu de « filialisation » obligatoire des grandes banques ;
Les termes Too big to fail et Too big to manage sont toujours d’actualité : pour ces banques, une intervention des contribuables restera a priori nécessaire pour éviter un effondrement du système bancaire qui n’est pas à exclure. Même la Fédération bancaire française (FBF) met en avant le délitement de la responsabilité individuelle au sein de ces banques Too big to manage.
Car les principales leçons de la crise des Subprimes n’ont pas été retenues :
L’excès d’endettement privé (entreprises comme particuliers), à l’origine même de la crise, est toujours présent et s’est même renforcé dans un contexte de croissance anémique et de diminution du pouvoir d’achat ;
La place toujours importante du Shadow Banking ;
L’endettement public a augmenté dans des proportions inimaginables (utilisé ici au sens de Maastricht) : près de 98% du PIB en France, 120% aux USA, 130% en Italie, 88% au Royaume-Uni, 82% pour l’ensemble de l’UE, du fait des plans de relance pour faire face à une croissance faible ;
La hausse du bilan des banques centrales (+3600 Mds$ pour la Federal Reserve par exemple), et une politique de taux bas, voire négatifs (BCE, BNS) réduit la capacité d’intervention en cas de secousse sur les marchés.
Dix ans après, le bilan est là : les petites banques ont eu l’obligation de s’adapter à une crise issue des défaillances des banques systémiques, pour lesquelles la copie n’a guère été revue : toujours, voire plus systémiques qu’auparavant, elles nécessiteront, en cas de difficultés, un sauvetage d’Etats déjà forts endettés. La prochaine secousse risquera d’être violente, et la crise de liquidité de 2012-13 pourrait sembler bien pâle en comparaison.
Pour les organismes publics, toute garantie de liquidité à moyen et long terme est bonne à prendre !